Déclaration de Villers-Cotterêts.

Publiée le 11 octobre 2024

[Préambule] 1. Nous, Chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage, réunis les 4 et 5 octobre 2024, à l’occasion du XIXe Sommet de la Francophonie en République française ;


2.    Nous réjouissons d’ouvrir ce Sommet au cœur de la Cité internationale de la langue française, où fut signée, en 1539, l’Ordonnance de Villers-Cotterêts qui institutionnalisa pour la première fois l’usage du français ;

3.    Réaffirmons notre engagement en faveur de la langue française, langue d’enseignement et de communication, d’épanouissement, de transmission et de partage, de création et d’opportunités, langue de négociation dans les enceintes internationales, au bénéfice de nos populations, en particulier des jeunes, conformément à la « Déclaration sur la langue française dans la diversité linguistique de la Francophonie », adoptée lors du XVIIIe Sommet à Djerba ;

4.    Conscients des crises de nature multiple qui affectent l’espace francophone, y compris les conflits armés, les situations d’occupation et de colonisation ainsi que les actes terroristes, soutenons l’Organisation internationale de la Francophonie dans son rôle d’espace privilégié de dialogue, indispensable pour renforcer les valeurs communes de l’humanité que sont la paix, le développement durable, la démocratie, l’État de droit et les droits de l’Homme, en application de la Charte de la Francophonie, de la Déclaration de Bamako (2000) et de la Déclaration de Saint Boniface (2006), et dans le respect des principes de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et de la Charte des Nations Unies, du Droit international et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ;

5.    Condamnons les violations du Droit international et du Droit international humanitaire ;

6.    Restons mobilisés face aux défis du changement climatique et pour la protection de l’environnement, et soutenons l’action de l’OIF à travers le Cadre stratégique de la Francophonie 2023-2030 afin de susciter des synergies et des concertations francophones, en amont des échéances multilatérales sur ces questions et soulignons l’urgence de l’entrée en vigueur du « Traité international pour la protection de la haute mer et de la biodiversité marine » (BBNJ) et appelons à des progrès rapides dans la négociation du « Traité international contre la pollution plastique » dans la perspective de la Conférence sur les Océans (UNOC 2025) ; Restons engagés face au défi du financement climatique et rappelons qu’aucun État ou gouvernement ne devrait avoir à choisir entre la lutte contre la pauvreté et la préservation de la planète ; saluons, à cet égard, l’organisation par la France en 2023 à Paris du Sommet pour un nouveau Pacte financier mondial ;

7.    Rappelons en conséquence que le financement climatique est une pierre angulaire de l’effort mondial de la lutte contre le changement climatique, et soulignons, à cet égard, l’importance du Fonds pour les pertes et dommages établi lors de la COP27 à Charm el-Cheikh, en reconnaissant son rôle dans la prise en charge des impacts négatifs du changement climatique ; Saluons l’accompagnement offert par l’OIF, à travers la formation des négociateurs et négociatrices climat, dans l’atteinte de cet objectif ;

8.    Rappelons notre attachement au rôle de la société civile et des organisations non gouvernementales, et soutenons une Conférence des Organisations internationales non gouvernementales active au bénéfice des populations et de la Francophonie institutionnelle ;

9.    Renouvelons notre engagement pour la promotion de l’égalité femmes-hommes, conformément à la
« Stratégie de la Francophonie pour la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, des droits et de l’autonomisation des femmes et des filles », adoptée lors du XVIIe Sommet à Erevan ;

10.    Considérons que l’avenir de nos jeunes est une priorité qui nous engage à œuvrer toujours plus avec eux pour la paix, le développement durable de nos sociétés, dans les valeurs de solidarité et de tolérance, de justice et d’inclusivité, que porte la Francophonie ;

11.    Réitérons que la promotion de la diversité des langues et des cultures ainsi que la diversité d’expression et de création des contenus culturels et éducatifs dans le cadre d’une société du savoir pluriel sont les atouts les plus précieux de la Francophonie ;

12.    Enjoignons tous les membres de l’OIF ainsi que les institutions et opérateurs de la Charte de la Francophonie à faire vivre l’esprit de solidarité et de respect qui a empreint tant les Jeux de la Francophonie 2023 en République démocratique du Congo que les Jeux olympiques et paralympiques d’été 2024 en France, dans la perspective des prochaines rencontres sportives internationales en particulier les Jeux de la Francophonie qu’accueillera l’Arménie en 2027 ;

13.    Forts de l’héritage des instances de la Francophonie, dont celui de la 36e session de la Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF) à Monaco et du XVIIIe Sommet de la Francophonie à Djerba, ayant mis en exergue l’importance de l’innovation dans la promotion des sciences et de l’économie numérique, pour réduire la fracture numérique, garantir une éducation de qualité et un meilleur accès à l’emploi ;

Décidons de consacrer ce XIXe Sommet au thème : « Créer, innover et entreprendre en français »

I.    La langue française au service d’un continuum éducation-formation-employabilité
Considérant que la langue française demeure le socle de notre Organisation, dans le respect de la diversité linguistique et la promotion du multilinguisme ;

14.    Réaffirmons notre attachement à l’enseignement du et en français et saluons le rôle déterminant des enseignants et des communautés scolaires. Assurons de notre engagement au côté de l’OIF pour développer les actions de formations linguistiques et pédagogiques, afin d’augmenter significativement le nombre d’enseignants formés pour une éducation de qualité pour tous. Encourageons, dans cette perspective, les échanges d’expertise et de bonnes pratiques entre les réseaux d’institutions de formation, le déploiement de programmes et dispositifs communs, y compris l’enrichissement de ressources en ligne, au service des enseignants et des cadres éducatifs au sein de l’espace francophone ;

15.    Soutenons les adaptations des formations universitaires, professionnelles et techniques francophones, y compris à travers des programmes d’alternance, d’apprentissage ou de mentorat en français, afin de valoriser l’esprit de création, d’innovation et d’entrepreneuriat des jeunes en adéquation avec les compétences nécessaires à leur employabilité et au développement économique de nos États et gouvernements ;

16.    Soulignons l’importance de faciliter les échanges entre les jeunes francophones en formation, volontaires, universitaires, chercheurs et entrepreneurs, en particulier dans le cadre de projets de mobilités croisées au sein de l’espace francophone. Encourageons, à cette fin, les coopérations pluri-acteurs associant les États et gouvernements membres, les institutions et opérateurs de la Charte de la Francophonie, avec les acteurs économiques et la société civile ;

17.    Appelons, pour mieux faire face aux pandémies, au renforcement des formations francophones dans le domaine de la santé grâce à l’outil numérique et saluons, à cet égard, les efforts nationaux et multilatéraux, en particulier au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève, qui ouvrira cette année son centre de formation continue, Académie de l’OMS, à Lyon et l’Accord de coopération signé entre l’OIF et l’OMS en 2021 ;

18.    Encourageons les institutions et opérateurs de la Charte de la Francophonie à renforcer leurs actions en faveur de la diversité culturelle, conformément à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles adoptée par l’UNESCO en 2005 et permettre ainsi une plus grande visibilité de la très grande diversité des productions francophones ;

19.    Rappelons que la diversité culturelle et linguistique francophone est un enjeu majeur au sein de l’espace numérique, et encourageons la Francophonie à poursuivre activement sa contribution à la gouvernance numérique mondiale, conformément à la Stratégie de la Francophonie numérique 2022-2026, en particulier au processus lié au Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) à Genève, au Pacte numérique mondial à New York et au Sommet de l’Intelligence Artificielle (IA) de 2025 à Paris ;

20.    Reconnaissons l’urgence d’agir dans l’environnement numérique et enjoignons aux institutions et opérateurs de la Charte de la Francophonie de mettre en œuvre des solutions en faveur de l’accessibilité, de la diversité linguistique et de la découvrabilité des contenus culturels, éducatifs et scientifiques francophones et l’entraînement en français de l’Intelligence artificielle générative ; saluons l’importance des collections numérisées des institutions documentaires francophones et les nouvelles perspectives de coopération qu’offre la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts dans ces domaines ;

21.    Appelons à la poursuite des concertations et des plaidoyers de haut niveau dans le domaine de la culture, en particulier sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles et linguistiques ;

22.    Réaffirmons notre attachement au média multilatéral TV5 et nous engageons à en assurer la promotion et la diffusion ; prendrons à cet égard, toutes les mesures appropriées selon tous les modes de distribution afin de garantir le plus large accès de nos populations aux chaînes de TV5 et à la plateforme numérique TV5MondePlus, vitrines de la diversité culturelle de l’espace francophone ;

23.    Rappelant la Recommandation sur l’éthique de l’intelligence artificielle de l’UNESCO, nous félicitons que les avancées en matière d’intelligence artificielle contribuent au domaine de la traduction et de l’interprétation, y compris dans les enceintes internationales ; et appelons à ce que ces évolutions technologiques respectent pleinement le rôle indispensable des traducteurs et interprètes francophones ;

24.    Soulignons la détermination des États et gouvernements francophones à préserver un espace informationnel fiable, libre et sûr, conformément à la Résolution sur la bonne gouvernance adoptée lors de la 44e session de la CMF à Yaoundé ; affirmons notre plein soutien au « Partenariat pour l’information et la démocratie », ainsi que la nécessité d’une valorisation de l’éducation aux médias et à l’information ; nous félicitons à cet égard de la tenue du 1er Forum de haut niveau entre les membres du réseau des régulateurs francophones des médias (REFRAM) et les principales grandes plateformes de l’espace numérique, l’adoption de la « Déclaration d’Abidjan du 24 avril 2024 visant au renforcement du dialogue entre les régulateurs et les grandes plateformes en ligne sur le continent africain et dans l’espace francophone » ainsi que la signature du protocole d’engagement volontaire, et saluons à cet égard
« l’Appel de Villers-Cotterêts pour un espace numérique intègre et de confiance dans l’espace francophone » lancé en ouverture de ce XIXe Sommet ;

II.    Créer-Innover-Entreprendre dans l’espace francophone

Considérant qu’un parcours en francophonie se construit au-delà de la seule maîtrise de la langue ;

25.    Soulignons le rôle essentiel du respect des libertés fondamentales dans la création, l’innovation et l’entreprise conformément à la Déclaration de Bamako ;

26.    Appelons l’ensemble des institutions et opérateurs de la Charte de la Francophonie à favoriser la liberté de création, dans toute la diversité de ses expressions artistiques, et les invitons à développer leurs actions en faveur des industries culturelles et créatives, en particulier par le développement et l’amélioration des formations professionnelles dans ces secteurs, lesquels offrent une large palette d’opportunités d’emploi ;

27.    Rappelons que l’avenir des artistes et créateurs de toutes les filières culturelles impose d’agir en faveur du respect du droit d’auteur et des droits voisins et nous engageons à renforcer les mécanismes juridiques et administratifs permettant la collecte et le versement régulier de ces droits, et à soutenir la diffusion internationale des œuvres, y compris dans l’espace numérique ;

28.    Saluons le travail de l’OIF en faveur des auteurs francophones et exprimons notre attachement aux prix littéraires de la Francophonie, dont le Prix des cinq continents, comme aux programmes de soutien aux productions audiovisuelles à travers le Fonds Images de la Francophonie et le Fonds Francophonie TV5MONDEplus ;

29.    Invitons les institutions et opérateurs de la Charte de la Francophonie, en lien avec la société civile, à mener une réflexion sur l’importance de la francophonie dans le sport, soulignant les opportunités socio-économiques qu’il génère pour la jeunesse francophone, et ses retombées positives en matière de santé et de bien-être ;

30.    Saluons les résultats significatifs des missions économiques et commerciales de la Francophonie, qui s’inscrivent dans la « Stratégie économique pour la Francophonie 2020-2025 », et réaffirmons notre soutien à la participation des femmes et des jeunes entrepreneurs à ces missions ; appuyons les partenariats avec les réseaux économiques francophones pour accompagner les entreprises dans leur développement à l’international ;

31.    Encourageons les initiatives en faveur de l’entreprenariat francophone, en particulier dans les secteurs liés au changement climatique et au tourisme durable, et appelons au renforcement des relations entre les entreprises et les institutions universitaires et de formations professionnelles et techniques, ainsi qu’avec les réseaux professionnels francophones de normalisation et de propriété intellectuelle ;

32.    Encourageons également des démarches francophones concertées pour faciliter l’accès des États et gouvernements membres ainsi que des autorités locales à la finance pour le Climat et la Biodiversité, en soutien à l’innovation et à l’entrepreneuriat ;

33.    Attachons une importance toute particulière aux actions en faveur de l’autonomisation des femmes et enjoignons tous les États et gouvernements membres à soutenir le renforcement du Fonds « la Francophonie avec Elles », au regard des enjeux pour les bénéficiaires directes et des impacts positifs pour les communautés locales ;

34.    Conscients des opportunités de coopération économiques et culturelles offertes par la langue française, nous engageons à favoriser la mobilité dans le cadre des programmes de la Francophonie et la circulation au sein de notre espace des ressortissants de nos pays, entrepreneurs, artistes, diplômés de l’enseignement supérieur, et appelés, de par leur fonction, à se déplacer régulièrement, dans le respect des législations et des règlementations nationales en matière de visa ;

35.    Prenons note, à cet égard, que l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) recommande, dans son Avis sur la mobilité citoyenne dans l’espace francophone, la mise en œuvre de mesures visant à consolider la Francophonie comme un espace de mobilité plus intégré et à mieux en exploiter les potentialités socio-économiques ;

36.    Au service de tous ces engagements, encourageons les institutions et opérateurs de la Charte de la Francophonie à poursuivre la diversification de leurs sources de financement, en complément des contributions volontaires des États et gouvernements membres, pour renforcer la mise en œuvre de leurs programmes, notamment à travers les partenariats public-privé et les banques de développement.

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